Préface [1]

Tout militant d’éducation populaire est confronté, dans sa pratique quotidienne, aux problèmes économiques concrets qui conditionnent la réalité sociale, la vie des gens et, par là même, le processus éducatif.

Pour qu’une éducation de masse s’inscrive dans une perspective libératrice, il lui faut donc être capable de comprendre les mécanismes du développement économique qui déterminent les tendances profondes de l’évolution de la société. Cette compréhension est, en effet, une des conditions indispensables pour que les masses, par le biais des organismes et des structures qu’elles se donnent, puissent tracer des perspectives d’action capables de modifier les conditionnements sociaux qui s’exercent à tous les niveaux de l’activité matérielle et de l’activité spirituelle des hommes.

C’est pour répondre à cette exigence que le Cedal (Centre d’études du développement en Amérique latine) est né récemment, après un long processus de maturation. Depuis quelques années déjà des militants de l’éducation populaire, de l’animation, d’organisations ouvrières et rurales d’Amérique latine se sont trouvés confrontés au problème suivant : comment faire le lien entre de nombreuses pratiques isolées mais liées aux revendications sociales fondamentales de larges secteurs populaires, d’une part, et, d’autre part, une compréhension globale de la société qui permette de découvrir les réelles possibilités de transformer celle-ci.

Le Cedal se veut, par conséquent, un lieu de confrontation et de recherche ouvert à tous ceux qui ont des tâches de formation et d’éducation liées à l’action des travailleurs et des masses rurales et urbaines. C’est dans ce but qu’il publie ce livre, en collaboration avec des militants de l’opposition syndicale du Brésil.Multinationales et travailleurs au Brésil >n’est pas une publication à grandes prétentions théoriques : il s’agit d’un simple instrument de travail destiné aux militants syndicalistes ouvriers et aux militants d’éducation populaire qui cherchent à comprendre ce qui se passe dans la réalité.

Ce livre cherche à expliciter ce que sont les firmes multinationales, quelle est leur implantation au Brésil, quel est le coût social de cette forme de développement. Face à cette réalité, il présente, pour conclure, quelques perspectives d’action politique dans le Brésil d’aujourd’hui.

Trois points principaux ont fait l’objet d’une attention particulière :

– tout d’abord, l’évolution des relations et des rapports de force entre les entités politiques nationales et les multinationales, ceci dans la complexe situation actuelle où les entreprises multinationales sont le principal instrument d’internationalisation du capital alors que les États nationaux conservent l’essentiel de leur rôle politique ;

– ensuite le processus d’internationalisation du capital et l’évolution des manifestations concrètes de l’impérialisme, le rôle moteur joué par les firmes multinationales dans cette évolution, et le défi lancé à notre réflexion pour ne pas figer l’analyse dans des schémas construits lors des premières étapes de l’impérialisme ;

– enfin, le prix que les populations des pays sous-développés doivent payer pour ce type de développement : à l’augmentation appréciable de la production correspond l’augmentation impressionnante de la misère pour une majorité de la population.

Cette étude n’est pas menée dans l’abstrait, mais à partir d’une réalité bien concrète, la réalité brésilienne. C’est pourquoi le livre se termine en montrant comment la classe ouvrière de ce pays forge ses instruments de lutte pour sortir de la situation actuelle et quelles alliances elle noue avec d’autres groupes de travailleurs pour constituer une nouvelle force politique. Et c’est ainsi que s’ouvrent des perspectives…